Premium

“LES CONCEPTEURS DE PRODUITS DOIVENT
PRENDRE DES RISQUES"

La fabrication additive, un moyen de garder la production en europe occidentale

En tant que tremplin vers de nouvelles possibilités excitantes, la fabrication additive est révolutionnaire. A chaque fois que la technologie est évoquée, les yeux pétillent donc un peu plus. Pourtant, elle ne parvient pas à dissiper tous les doutes sur sa maturité industrielle. Avec ces questions en tête, nous nous sommes entretenus avec Bart Van Der Schueren, CTO chez Materialise et auteur d'un doctorat sur l'impression 3D de métal, une étude doctorale débutée en 1990, alors que l'impression de métal n'en était même pas à ses premiers balbutiements. Du berceau à l'âge adulte, donc. Ou en sommes-nous toujours à la puberté?

Données
Bart Van Der Schueren personnelles Chief Technology Officer Materialise
- Formation Masters en Mechanical Engineering KU Leuven, 1985-1990
- Ph.D. Selective Laser Melting Sintering
- KU Leuven, 1990-1995
- Expérience Head of Industrial Activities, Materialise, 1995-2011
- Chief Technology Officer Materialise, 2011- aujourd'hui

Allons droit au but: l'impression 3d est-elle déjà suffisamment avancée pour être appliquée à des fins de productions?
“Aujourd'hui, l'impression 3D de métal peut déjà certainement être utilisée à des fins de production. Mais et je sais que je m'aventure ici sur un terrain glissant avec l'état actuel de la technique, j'ai tout de même des réserves quant à son utilisation dans la sous-traitance générale. Je crains même qu'en raison d'une estimation irréaliste de ce qui est possible, on procède parfois à un sur-investissement. Non seulement chez les sous-traitants mais aussi chez les équipementiers. Je vois des projets auxquels on a consacré des années de développement arrêtés par la direction à cause des résultats décevants. On en conclut que la technologie n'est pas à la hauteur alors qu'en réalité, elle est mal utilisée. Soyons clairs: le défi majeur consiste à détecter la bonne application, à trouver un cas dans lequel l'impression de métal représente vraiment une valeur ajoutée, comme pour le leap engine de GE. Au lieu de huit pièces différentes, GE a réussi grâce à l'impressionde métal à revenir simplement à une buse. Grâce à l'optimisation de la topologie, la pulvérisation du kérosène a, en outre, été tellement améliorée que le fonctionnement du moteur est bien plus efficace. L'économie de carburant génère déjà à elle seule un gain énorme. Cela fait suite à bien dix ans de recherche."

En prenant simplement l'état de la technique, quels sont les principaux points névralgiques?
“Aujourd'hui, le processus est encore (trop) lent, mais l'utilisation simultanée de plusieurs lasers augmentera la vitesse de construction. Le problème du développement de tensions est plus fondamental. On en sait encore relativement peu. Et à quoi la pièce ressemble-t-elle de l'intérieur? Quid de la porosité et de la microstructure? L'impression de métal est, en outre, un processus complexe, notamment en raison de l'utilisation de structures de soutien devant être enlevées ensuite via une opération ultérieure mécanique, ce qui signifie qu'il faut réfléchir à l'accessibilité."
“La plupart des imprimantes à métal sont aussi des machines standard. Pour le moment, le marché n'a pas de solution adaptée pour des applications spécifiques. Cela changera à terme vu que différents secteurs ont d'autres besoins, ne serait-ce qu'au niveau de la logistique et des dimensions. Je vois toutefois iciune évolution. Dans le secteur dentaire, des machines spécifiques font déjà leur apparition. Le contrôle du processus et la prévisibilité restent, enfin, un défi. Prenons par exemple notre propre logiciel Magics. Alors que nous parvenons à prédire de manière fiable pour le plastique quel sera l'effet d'un paramètre adapté, cela reste bien plus pour le métal un processus d'essais et d'erreurs. Nous investissons cependant aujourd'hui énormément pour amener l'impression de métal au niveau de l'impression de plastique."

Malgré ces points délicats, Materialise a décidé d'imprimer tout de même aussi le métal.
Quels secteurs avez-vous d'abord en vue?

“Avant tout, le monde médical. L'impression 3D est un procédé relativement coûteux. Il faut donc absolument chercher une valeur ajoutée. Dans le cas des implants, elle est assez évidente: la customisation. Chaque implant est complètement unique. De plus, certaines structures ne peuvent être réalisées qu'avec l'impression 3D. Quand il fait chaud en été, les gens avec un implant crânien standard en titane risquent que leur cerveau surchauffe. Inversement, lorsqu'ils nagent, tant de chaleur est extraite de leur tête qu'ils peuvent s'évanouir. Nous avons démontré qu'une structure de titane poreuse présentait le même comportement thermique que l'os humain. Pour cela, il faut l'impression 3D. Dans le secteur aéronautique, les rapports buy-to-fly élevés (environ 90%) cachent également des opportunités, surtout en raison du gain de poids en combinaison avec une fonctionnalité supplémentaire. Comme pour les applications médicales, les composants aéronautiques doivent aussi être certifiés et validés. Ici, il y a encore du pain sur la planche, mais le secteur aéronautique s'y attelle pleinement. D'ici cinq ans, le problème de la certification sera résolu. La validation demandera, en revanche, un peu plus de temps et de recherche universitaire, notamment sur l'effet de la plus grande rugosité des pièces imprimées sur les applications dynamiques.On peut également penser à des applications comme un échangeur thermique. En appliquant le conformal cooling et en re-concevant complètement le produit, le transfert de chaleur est bien plus efficace. En soi, l'échangeur thermique reviendra peut-être plus cher mais la plus-value du produit est telle que cela vaut tout de même la peine."

“Avec l'impression 3D, il y a desormais une technologie permettant une customisation au niveau du produit. Un atout enorme et un stimulant pour la production locale"

Que peut représenter le sous-traitant dans cette histoire? Quel est son rôle?
“L'impression 3D ne changera pas les règles, du moins pas à long terme. Vu qu'au début, les équipementiers expérimenteront d'abord eux-mêmes les possibilités de l'impression de métal, le pas vers l'outsourcing sera peut-être franchi un peu plus tard que d'habitude mais l'impression 3D finira par être sous-traitée aussi. Celui se lançant aujourd'hui dans l'impression 3D doit oser agir comme co-concepteur. Au début, le client ne sait, en effet, pas toujours lui-même comment développer un produit exploitant au mieux les avantages de l'impression de métal et contournant les inconvénients."

Parmi toutes les variantes, nous n'avons parlé jusqu'ici que du Selective Laser Melting (SLM). Quelles autres techniques trouvez-vous encore intéressantes pour les applications de métal?
“Il existe, en effet, différentes variantes et je crois en fait qu'il existe une application pour chacune de ces techniques, bien qu'il s'agisse parfois plutôt d'une niche. Il y a le procédé dans le cadre duquel un liant est brûlé avant un processus de frittage, l'Electron Beam Melting (EBM), pour les applications un peu moins précises. Dans le placage au laser aussi, les choses bougent. Cette technique convient notamment pour les plus grandes structures avec moins de détails. Chaque variante a ainsi sa propre place. Pour les machines hybrides mariant l'impression 3D et une autre technologie, comme le fraisage, la situation est, selon moi, plus compliquée. Le fluide de refroidissement ne pose pas de problème mais les copeaux résultant de l'usinage éventuellement bien. Ils pourraient polluer la poudre et la matière première ne pourrait alors plus être récupérée. Je me pose toutefois plus de questions concernant les tensions développées pendant l'impression. Elles ne s'éliminent pas en fraisant une couche intermédiaire. Les produits à fine paroi pourraient en particulier se déformer, impliquant un fraisage ultérieur. Pour les matrices, ce problème se pose bien moins en raison de la rigidité du matériau."

L'Europe occidentale place beaucoup d'espoir en l'impression 3D pour aider l'industrie de fabrication à sortir de l'impasse. A raison?
“L'ancien modèle de production à la Ford est basé sur la standardisation. De plus gros volumes signifient des coûts moins élevés. Dans ce sens, on n'a jamais réfléchi aux manières de rendre un produit unique. La variation se limitait à une petite série d'options. Avec l'impression 3D, on a désormais une technologie permettant une customisation au niveau du produit. Un énorme atout et un stimulant pour la production locale. Il est de plus en plus logique de produire les biens là où on en a besoin parce qu'avec l'impression 3D, il n'y a quasiment pas de différence (de coût) entre les gros et les petits volumes. En produisant localement, on évite aussi des coûts de transport onéreux vu que le transport de poudre revient moins cher que le transport d'un produit fini. De plus, cela est plus écologique, un argument qui va prendre de plus en plus d'importance. L'additive manufacturing a donc bel et bien le potentiel pour garder la production en Europe occidentale."


Où en est la Belgique dans l'impression 3D par rapport à d'autres pays?
“La Flandre revendique en particulier un rôle majeur dans le développement de la technologie. Je pense d'autre part que nous pouvons passer à la vitesse supérieure concernant l'utilisation de l'impression 3D. La preuve, c'est que chez Materialise, nous devons aller à l'étranger pour la plupart des applications. Je trouve cela dommage car nous avons ici l'opportunité d'être, ou en tout cas de devenir, une région influente. Cela exige toutefois du courage, avant tout des concepteurs de produits. Ils devront prendre des risques en travaillant avec la liberté de forme et la variation de produit offertes et en cherchant des applications pour lesquelles l'impression de métal représente une importante valeur ajoutée, tout en réalisant que ces produits seront peut-être d'abord plus chers en raison de l'échelle économique limitée. Vous prenez alors certes un risque mais il faut tenter le coup."

Wat heb je nodig

Accès GRATUIT à l'article
ou
Faites un essai gratuit!Devenez un partenaire premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checknewsletter hebdomadaire avec des nouvelles de votre secteur
  • checkl'accès numérique à 35 revues spécialisées et à des aperçus du secteur financier
  • checkVos messages sur une sélection de sites web spécialisés
  • checkune visibilité maximale pour votre entreprise
Vous êtes déjà abonné? 
Magazine imprimé

Édition Récente
21 novembre 2025

Lire la suite

Découvrez la dernière édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraîner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine