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L’IMPRESSION 3D N’EST DONC PAS
UNE TECHNOLOGIE DE NICHE?

Brecht Van Hooreweder
Professor Brecht Van Hooreweder (KU Leuven)

Le professeur Van Hooreweder: “Prédire la durée de vie est un facteur crucial”

La KU Leuven est considérée comme l’un des pionniers mondiaux sur le plan de la fabrication additive (AM). L’impression 3D avec le métal est ici un sujet de recherche important depuis le début des années nonante et l’université flamande continue de jouer un rôle de précurseur mondial dans le développement de cette technologie. Le groupe de recherche a dû bel et bien faire des choix et collabore avec d’autres instituts de recherche et universités parce que le nombre de demandes de recherche a ‘explosé’ en raison de
l’énorme intérêt pour l’AM.

MACHINE SLM AUTOCONÇUE

Lorsque la KU Leuven a débuté la recherche sur l’impression 3D métal en 1991 par la fusion laser de couches de poudre successives, il n’existait pas encore de machine pour le faire. L’équipe de recherche dirigée par, à l’époque, le professeur Kruth, l’a donc construite elle-même. “Nous utilisons toujours cette machine, quoiqu’elle ait été constamment adaptée. Nous sommes l’un des rares au monde à disposer d’une telle plateforme de recherche”, déclare le professeur Brecht Van Hooreweder, qui dirige le groupe de recher­che Fabrication Additive à Leuven depuis le printemps dernier, avec le professeur Yang.

Adapter les paramètres

Cette machine est unique à deux points de vue. Avant tout, l’équipe de recherche peut réellement adapter chaque paramètre et chaque élément de la machine et de l’optique, du fait que tout est autoconçu.

“Si nous voulons faire quelque chose avec le flux de gaz sur le lit de poudre, ou regarder avec la caméra comment la poudre est déposée sur le lit, nous pouvons aisément adapter la machine à cette fin. Dans les machines commercialisées, que nous avons ici aussi, c’est impossible, ou en tout cas plus difficile”, explique Van Hooreweder.

MachineLaser avec chambre de vide

Le second point qui différencie la machine de Leuven est peut-être encore plus unique. A l’époque, nous avons doté la machine d’une chambre de vide. A l’origine, on utilisait un faisceau d’électrons pour fondre la poudre de métal et cette technologie demande le vide dans la chambre de construction. L’unité à faisceau d’électrons a été remplacée plus tard par un laser, mais la chambre de vide est conservée. Ce faisant, les chercheurs peuvent nettement mieux réduire le taux d’oxygène que d’autres fabricants. Ceci est notamment un avantage important pour l’impression 3D avec des matériaux réactifs tels que le titane et l’aluminium, qui s’oxydent au contact de l’oxygène.

“De nombreux fabricants peinent avec ce problème. Ils cherchent des solutions pour diminuer encore le taux d’oxygène”, confie le professeur. L’ancienne Layerwise, spin-off de la KU Leuven, a repris cette technologie pour ses propres machines. “3D Systems possède désormais une machine qui est par essence un prolongement de la nôtre”, déclare Van Hooreweder. Le fait que d’autres fabricants d’imprimantes 3D métal ne passent pas au vide dans la chambre de construction, est lié aux inconvénients: la construction en devient plus complexe et plus lourde, les exigences aux étanchéités sont plus sévères et c’est aussi plus difficile en termes de technique de commande.

3D-printingLE TAUX D’OXYGÈNE, FACTEUR CRITIQUE

Toutefois, le taux d’oxygène est une donnée importante dans le processus additif. Le professeur Van Hooreweder relève que le taux d’oxygène dans la chambre de construction est absent dans bien des publications scientifiques sur la fabrication additive de composants critiques.

Titane

 “L’oxygène présent dans la chambre de construction durant le processus se dissoudra dans le bain de fusion et restera dans la grille métallique ou réagira en oxydes. Dans le titane et les alliages de titane, par exemple, l’oxygène dissous atténuera les propriétés mécaniques de la pièce imprimée en 3D.”

A Leuven aussi, il a fallu un peu de temps avant de comprendre l’importance du taux d’oxygène dans le travail de l’aluminium. Ceci est lié à l’un des trois thèmes de recherche sur lesquels se concentre actuellement l’université: les propriétés de fatigue des pièces métalliques imprimées et la prévision de la durée de vie. Ceci est devenu peu à peu un thème de recherche, parce que l’incertitude sur la durée de vie est peut-être bien le principal goulot d’étranglement.

Prévision de durée de vie

Actuellement, il est difficile de prévoir la durée de vie et la variation de la durée de vie des éléments imprimés en 3D est souvent trop grande. Une étude de plus de 25 articles scientifiques montre que la variation en durée de vie des éléments en titane, pour certaines sollicitations, diverge de 10^3 à 10^7 cycles. Les ingénieurs peuvent difficilement travailler avec une telle grande variation de la durée de vie. “Dans des applications critiques, les ingénieurs se demandent si la pièce durera assez longtemps”, explique le professeur.

D’après lui, cette incertitude retient parfois les entreprises à utiliser la fabrication additive pour des composants critiques, parce qu’il n’existe pas encore de modèles. Par ailleurs, il relève le risque que les ingénieurs surdimensionnent leurs designs pour toute certitude, ce qui annihile finalement un avantage important de l’impression 3D, à savoir le gain de poids.

MaterialiseSURVEILLANCE DE PROCESSUS

Le thème prévision de durée de vie est étroitement lié à la surveillance du processus. C’est aussi un important point d’attention à Leuven. Pour l’heure, plusieurs doctorants effectuent leur étude de doctorat sur ce sujet. En fait, ceci est étudié ici depuis longtemps, car l’un des fondateurs de l’ancien Layerwise a été promu docteur il y a dix ans sur ce sujet spécifique.

Fiabilisation technique

“La surveillance et le contrôle du processus sont toutefois plus complexes que nous ne le pensions de prime abord. Ceci est notamment lié au fait que nous ne voyons que ce qui se passe dans une seule couche avec nos capteurs, tandis que nous voulons savoir ce qui se passe entre deux couches de fusion. Là aussi, des défauts peuvent se produire”, remarque Van Hooreweder.

”Nous pouvons bel et bien déjà fort bien collecter des tétra-octets de données, comme la forme et la longueur du bain de fusion qui se forme par le laser. Et nous pouvons les relier aux paramètres de processus. Par exemple, nous savons que le bain de pro­cessus/fusion devient instable à une certaine vitesse de balayage, mais nous ne pouvons pas encore ajuster le processus en temps réel”, confie le professeur. Ceci est bel et bien nécessaire pour rendre plus fiable la fabri­cation additive en tant que technologie de production pour éléments critiques.

Collaboration

Van Hooreweder pense bien que ceci sera possible dans quelques années. La sur­veil­lance de processus et le contrôle de processus adaptatif constituent la base d’une production cohérente avec la fabrication additive. Pour étudier ce point, la KU Leuven collabore actuellement avec Flanders Make et la Vrije Universiteit Brussel (VUB-BPhot), qui disposent de plus d’expertise en matière d’optique et de traitement des données. “Il s’agit d’une matière très complexe, aussi sur le plan de la technique logicielle. Ceci excède notre domaine de connaissances, d’où la collaboration avec d’autres”, dit-on.

La KU Leuven n’est plus la seule à se pencher sur ce thème de recherche. Certains acteurs plus grands de l’industrie AM ont déjà implémenté les premiers systèmes de surveillance, en partie basés sur la technologie issue de Leuven, dans leurs machines. L‘université collabore aussi avec ces entreprises. Avec un consortium d’entreprises flamandes, l’UGent et l’Université de Trondheim en Norvège, on collabore en termes de prévisions de fatigue. “En associant leur expertise à notre expertise du processus d’impression 3D, nous voulons aboutir à des outils utilisables. Car les modèles classiques ne suffisent plus pour prévoir la durée de vie des pièces imprimées en 3D”, précise le processeur.

Structure de matériau

Le fil conducteur de toutes ces recherches est d’obtenir une compréhension fondamentalement meilleure de ce qui se passe avec la structure du matériau pendant le processus d’impression.

“Nous avons besoin de cette compréhension fondamentale pour développer de bons matériaux, optimiser les machines et surveiller la qualité. Ceci est vraiment nécessaire pour que la technique perce”, affirme Van Hooreweder.

HYBRIDE: SLM AVEC LASER À IMPULSIONS ULTRA COURTES

Un autre thème de recherche est la combinaison de la technologie laser/lit de poudre (SLM) avec un laser à impulsions ultra courtes pour post-usiner la surface. Technologie hybride: additive et soustractive, en utilisant pour ce dernier aspect un laser au lieu d’une fraise classique. Avec la VUB, la KU Leuven développe une plateforme pour un tel concept. La durée de l’apport thermique par le laser à impulsions ultra courtes est si courte que le matériau ne fond pas, mais s’évapore. Le post-usinage des contours de la pièce, par exemple, ou de certaines caractéristiques avec le laser à impulsions ultra courtes permet d’améliorer fortement la rugosité surfacique. Le projet de recherche vient d’être lancé; les premiers résultats sont positifs. Il est possible de réaliser de petits trous dans une pièce AM.

“L’avantage de ce concept est son intégration relativement aisée dans les machines SLM, parce que nous n’avons besoin que d’une source laser externe. Celle-ci utilise l’optique déjà présente dans la machine, ainsi qu’une commande et des capteurs similaires”, précise le professeur Van Hooreweder: Toutefois, il s’attend à ce que les universités aient encore besoin de trois ans pour tester entièrement et développer la technique hybride.

L’AM, UNE TECHNOLOGIE DE NICHE?

L’impression suscite aujourd’hui un énorme intérêt. Il y a quelques années, le professeur Van Hooreweder pensait même que la fabrication additive resterait une technique de niche. Mais cette vision a peu à peu changé. “Je vois maintenant que de grandes entreprises (bio)médicales, automobiles et aéronautiques achètent des imprimantes 3D en grandes quantités, aussi pour la production de masse. Aussi je commence à douter que cela reste une technologie de niche. Dès que de grandes entreprises franchissent ce pas, nous pouvons impliquer toute la chaîne des sous-traitants. On voit par exemple pousser comme des champignons les entreprises qui fabriquent des poudres pour l’AM. La fabrication additive peut donc quand même percer.” Il est difficile d’estimer quand la technologie sera mature pour la PME lambda dans l’industrie manufacturière. D’après le professeur, cela dépend aussi de l’application, car on n’a pas toujours besoin de la technologie laser/lit de poudre.

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Écrit par Peter Weber9 octobre 2018
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