LUBRIFIANTS CLASSIQUES: TROP POLLUANTS OU PAS ASSEZ PERFORMANTS
LES ADDITIFS EP, AW ET AUTRES PLUS SOLLICITES
Pour accroître le volume d’enlèvement de matière et donc la productivité des centres d’usinage, on a augmenté systématiquement les paramètres de processus. Cette pratique n’exige pas seulement beaucoup des machines et des outils de coupe. Les lubrifiants se retrouvent aussi au sens propre comme figuré sous pression. En raison d’autres tendances, comme l’essor de nouveaux matériaux légers et les changements sur le marché de l’huile de base, on doit se tourner de plus en plus souvent vers des additifs pour ajuster certaines propriétés, dans une telle mesure même que le lubrifiant peut presque être considéré comme un solvant pour les additifs.

TENDANCES DANS LA CONCEPTION ET LA PRODUCTION
Nouveaux matériaux
Si la société décide à un moment donné qu’il faut utiliser l’énergie de manière plus économe, elle contraint notamment l’industrie aéronautique et automobile à chercher des matériaux plus légers sous la forme d’aciers haute résistance ou d’alliages spéciaux de titane, d’aluminium et de magnésium. Chaque gramme compte pour économiser sur le carburant. Mais les nouveaux matériaux en général, et les composites renforcés par fibre en particulier, ne s’usinent pas d’une manière traditionnelle. De nouvelles méthodes d’usinage s’imposent et cette quête peut déjà commencer par un lubrifiant optimal d’un point de vue chimique et tribologique pour ce type de matériaux abrasifs.
Electromobilité
Mais aussi l’électromobilité est à nos portes. L’arrivée des moteurs (automobiles) électriques signifie par définition que le besoin de vilebrequins, d’arbres à cames et de lourds blocs-moteurs diminuera. On trouvera à la place des stators et des rotors, ou d’autres pièces n’étant plus fabriquées au moyen de fraisage et de meulage, mais bien de techniques comme l’estampage et la découpe de précision. D’autres fluides d’usinage apparaissent ainsi.
Tandis que les lubrifiants courants pour les techniques d’usinage par enlèvement sont mélangés avec de l’eau pour une bonne évacuation des copeaux, il s’agit, surtout dans le cas de l’estampage et de la découpe de précision, d’huiles minérales et de solvants ayant pour principale tâche d’empêcher le soudage à froid et de réduire l’usure des outils. Les lubrifiants exigent de fortes concentrations de ce qu’on appelle dans le secteur les additifs extreme pressure (EP) et anti-wear (AW).
Techniques near-net-shape
La demande de techniques near-net-shape augmente aussi, à nouveau au détriment des techniques d’usinage par enlèvement. Ce sont des procédés comme le moulage, le forgeage et le façonnage s’approchant de la forme finale souhaitée de la pièce. Basés sur des températures d’usinage élevées, ils vont de pair avec des pressions plus élevées et une plus grande tension mécanique. De ce fait, il faut faire attention pour les lubrifiants à la stabilité thermique et ils doivent à la fois pouvoir supporter les pressions extrêmes.
Productivité accrue
Une dernière tendance dans la production est liée à la productivité accrue. Si on usine tout de même par enlèvement de matière, cela doit aller vite. En augmentant sans cesse le material removal rate (MRR), on pousse la machine, les outils de coupe et les lubrifiantsréfrigérants à l’extrême.
A titre d’illustration: dans les meuleuses à hautes performances modernes, il peut arriver que l’huile de meulage soit projetée à une pression de non moins de 1.740 psi contre la roue de meulage. Cela génère une forte turbulence de l’huile d’une part, et de très fines bulles d’air d’autre part. Vu que l’air a de très mauvaises propriétés de lubrification et de refroidissement, l’apparition de ces bulles d’air est néfaste pour la qualité de l’huile de meulage. Pour aggraver encore la situation: à cause des petits réservoirs (généralement pas plus de 800 litres), le mélange d’huile et d’air est pompé en continu par les pompes de refroidissement et amené à nouveau dans la zone de coupe. Si l’air et l’huile se séparent rapidement à ce moment, de la mousse se forme. On a alors souvent recours à des produits antimousse, mais leur effet est très limité dans le temps, car ils sont vite filtrés. Certains retiennent, en outre, l’air plus longtemps. Leur utilisation est donc idéalement évitée et de bons additifs avec les mêmes propriétés antimousse constituent une meilleure alternative.
On peut presque considérer le lubrifiant comme un solvant pour les additifs.

CHANGEMENTS SUR LE MARCHE DE L’HUILE DE BASE
Choisir des lubrifiants de qualité
Parmi les fluides pour l’usinage de métal, on distingue les huiles pures et les huiles diluées avec de l’eau. Le premier groupe peut être subdivisé en cinq sous-groupes – six selon l’ATIEL (Association Technique de l’Industrie Européenne des Lubrifiants) – dont les trois premiers sont composés d’huiles minérales et le quatrième contient des polyalphaoléfines (PAO) comme matière première synthétique. Le cinquième est un genre de catégorie restante englobant notamment les esters. La sixième catégorie éventuelle reprend les polyoléfines internes (POI), très proches des PAO.
Pendant longtemps, et toujours aujourd’hui d’ailleurs, le marché des lubrifiants industriels a été dominé par les produits de la catégorie I, mais cela change peu à peu. Sous la pression des exigences croissantes, on a de plus en plus souvent recours pour les engrenages, l’hydraulique et les compresseurs aux lubrifiants industriels de qualité des groupes III et IV de fluides de base et même la demande de POI augmente, notamment depuis l’industrie automobile. Les fabricants le sentent aussi et mettent peu à peu un terme à leur capacité de production pour les lubrifiants du groupe I.
Difficilement conciliables avec les additifs
Les fluides de base des groupes I à III sont extraits de pétrole brut et transformés en lubrifiant dans une raffinerie. Le processus fonctionne comme des vases communicants: plus la classe et l’indice de viscosité sont élevés, plus la teneur en soufre est faible et moins le lubrifiant contient d’aromates et de composés non saturés. Cela signifie hélas aussi que la solubilité avec des additifs diminue, souvent même à un point tel que la teneur en additifs exigée par une certaine application ne peut plus être atteinte. Nous pensons notamment aux additifs EP et AW, et aux antioxydants. Il existe certes des substances pour augmenter la solubilité, mais elles ont un effet négatif sur la stabilité thermique ou ne sont pas suffisamment compatibles avec les élastomères. Il n’est donc pas étonnant que les fabricants s’affairent actuellement à reformer le puzzle chimique. Le système d’émulsification est plus précisément réexaminé. L’objectif final est d’arriver à de nouveaux additifs avec une structure chimique adaptée.

ALTERNATIVES AUX PARAFFINES CHLOREES (CLP)
CLP moins populaires
Un des additifs EP et AW les plus anciens et les plus utilisés pour les usinages lourds, exigeants comme le brochage et la découpe de précision, est la paraffine chlorée ou CLP. Ces derniers temps, elle perd toutefois en popularité, pour différentes raisons. Les CLP à chaîne courte portent tout d’abord aujourd’hui l’étiquette alarmante de 'cancérigène' pour les rats et les souris, et peut-être aussi pour l’homme. De plus, elles comportent un risque élevé de bioaccumulation. En Europe et dans d’autres régions, elles sont donc déjà interdites et cette interdiction devrait d’ici peu s’appliquer aussi aux chaînes de longueur moyenne. Il y a également des arguments techniques ou fonctionnels. Les CLP sont caractérisées par d’excellentes propriétés de lubrification (qu’elles doivent à leur capacité d’absorption physique). Exposées à des températures élevées, p.ex. en raison de vitesses de coupe plus élevées, elles conservent certes leur bonne lubrification, mais l’usure chimique augmente énormément. Dans la pratique, les CLP sont utilisées comme additif avec un pourcentage de chlorure entre 40 et 70%. Sous l’effet de l’humidité et de la lumière, elles peuvent cependant facilement se transformer en chlorure d’hydrogène, une substance pouvant causer une corrosion.
Il existe des alternatives
Heureusement, étant donné les risques liés à l’utilisation de CLP, il existe des alternatives. Dans un test pratique, l’influence de la vitesse de coupe sur les performances de la paraffine chlorée pendant le forçage a ainsi été examinée et comparée avec celle d’un soufre spécial composé d’un additif EP notamment à base d’oléfine et d’esters. Qu’a-t-on constaté? A des vitesses de coupe réduites, l’alternative était bien inférieure à la protection que la couche d’absorption de la CLP offrait à l’outil de forçage. Le fluide à base de soufre ne présentait un résultat similaire ou même meilleur que s’il était combiné avec un additif AW exempt de métal. A des vitesses de coupe plus élevées, l’usure de l’outil augmentait toutefois sensiblement si on utilisait de la paraffine chlorée. Inversement, le soufre avec un additif EP était plus performant au fur et à mesure que la vitesse de la machine augmentait. On a pu tirer les mêmes conclusions d’un test avec un outil de brochage: les compositions chimiques optimisées à base de fluides sulfurés en combinaison avec des additifs AW ont une plage d’application bien plus large que les huiles à base de paraffine chlorée.
Conclusion
Les applications de demain mettront de plus en plus souvent les méthodes d’usinage classiques, dont font partie les lubrifiants, en défaut. Cela arrive déjà aujourd’hui. Pour pouvoir satisfaire aux exigences de plus en plus strictes, on se tourne vers les additifs. Alors qu’avant, l’huile de lubrification contenait jusqu’à 20% d’additifs, ce pourcentage atteint près de 40% à l’heure actuelle. Les fabricants devraient dès lors rapidement proposer des compositions chimiques optimisées pour rendre d’une part les additifs plus compatibles avec les huiles de base des classes supérieures, et pour vaincre d’autre part les limites de la génération actuelle d’additifs.
Basé sur un texte de Wilhelm Rehbein.












